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ARCHEOLOGIE DU FUTUR

ARCHEOLOGIE DU FUTUR

PLANETE MIRAGE

A propos de l'exposition "Archéologie du futur", présentée en 2013 au centre d'art 360 m3, Lyon.

L'idée d’archéologie du futur a émergé d'une envie de stimuler la conception des œuvres en l’injectant dans une dimension fictionnelle. Cette exposition a été conçue en cherchant à signifier le futur sans être dans le champ de la science fiction, avec la vision habituelle d’un voyage du présent au futur. C’est un exercice de projection inversé : on projette un regard venant du futur, tourné vers le passé et qui pointe notre présent. La figure de l'archéologue articule très bien cette démarche de reconstitution de l'origine et du devenir des objets et des matériaux. L'archéologue, c'est le lien entre le silex et l'ordinateur. Il allie un patrimoine de données venues du passé à des techniques scientifiques et technologiques, comme aujourd'hui avec l'utilisation de l’imagerie numérique. Il effectue des prélèvements en respectant un protocole rigoureux. Son rôle est de mettre à jour les formes et les usages de nos ancêtres pour identifier leur sens. Cette posture permet au regard, à travers un exercice d'anticipation, de retrouver la fonction originelle des matériaux, de l'environnement qui nous entoure. Il doit aussi formuler des hypothèses : il crée des mythes autant qu'il les décrypte.
Il s'inscrit dans cet intermédiaire entre le scientifique qui prévoit et l'historien qui interprète, qui intègre un regard porté sur les objets, les modes de vie et les territoires anciens à travers une représentation moderne. Les matériaux actuels sont dans des laboratoires de recherche, des locaux industriels ou des étalages de magasins. L'exposition pourrait être vue comme une sorte de collection muséale anachronique. Ces objets et matériaux sont transformés par un processus basé sur cette idée de retour à leur origine et à leur fonction première. Le parpaing retrouve sa place dans le règne minéral, le bois utilisé dans l'urbanisme, traité et normalisé retrouve sa fonction de chauffe et de charpente.

Cette relation paradoxale entre passé et futur semble présente dans le travail de chaque bon artisan, tailleur de pierre, charpentier, qui travaille avec un héritage technique, honorant un patrimoine en pensant au devenir de ses productions conçues pour durer. Elles sont destinées à être des vestiges, ce qui n'est pas forcément le cas de l'industrie, du consommable, du jetable. Le champ de langage qui peut se dégager des œuvres évoque ce rapport entre l'homme et les matériaux à travers des espaces : forêt, carrière, champ, et à travers le temps parce que ces lieux trouvent leurs propres traductions contemporaines : usine, serre, laboratoire.
Ce qui est le plus important dans cet exercice d'anticipation, c’est qu’il permet de modifier notre regard sur l'environnement qui nous entoure. Cette idée de voyage dans le temps et l'espace est créée par le mélange des provenances et des destinations. Le concept d'état d'origine est mis à l'épreuve. Les temporalités ont été interverties pour mettre à jour les relations entre les matériaux qui deviennent des objets et les espaces qui deviennent des territoires : on les contrôle, on les soumet aux techniques, on les mesure, on les balise.


L'anachronisme contenu dans le titre « Archéologie du futur » révèle des préoccupations liées au temps, qui correspond à l'envie de faire dialoguer les différentes époques. Il y a clairement l'intention de chercher ce qui leur est commun dans les images qui sont produites. Même quand il y a des différences, il est question de s'évertuer à les réconcilier. Ce qui importe est plus la question de l'origine que celle de l'époque. La confrontation radicale entre l'usage initial des matériaux, des objets, et leur forme moderne que Régis Debray définit comme « le dernier état technique au nord de la planète » permet de révéler tout ce qui s'est passé entre ces deux temporalités abstraites : origine et devenir.
Il y a aussi cette idée de reconstitution, liée au substitut, par le biais d'un processus de synthèse. On est dans une époque déterminée par la compression du temps et de l'espace, par le transport et le transfert de données. Cette idée de compression est omniprésente : les œuvres sont constituées de fragments, d'extraits, d'échantillons qui viennent s'imbriquer au sein d'un même objet. C'est le cas par exemple dans Panorama. Cette pièce va intégrer à la fois l'étalon, l'objet calibré, créé pour construire des structures géométriques parfaites, et son milieu d'origine réenchanté. Le parpaing sorti de la chaîne de production renvoie ici à la chaîne de montagnes, au règne minéral, à l'éternité. C'est l'union du paysage urbain et du paysage romantique. Le geste rapide du maçon a remplacé celui du tailleur de pierre et le rythme frénétique des constructions modernes contraste avec le temps de l'érosion. De la même manière, il y a le bois qu'on coupe en forêt et les arbres qu'on protège en milieu urbain. Ces fonctions différentes des matériaux correspondent à des espaces et des temps différents.

Le visuel de l'exposition suggère une dimension mortuaire qui n'apparaît pas directement dans les œuvres, bien qu'elle soit essentielle. Dans notre travail il n'y a jamais de représentation de l'homme, il n'y a pas d'animaux non plus. Quelque part on peut penser que la question de l'image est liée à la question de la putréfaction des corps, comme le pensent les historiens et les ethnologues. Quand il y a la mort il n'y a plus d'image. Sur ce visuel la mort est figurée de manière évidente mais il ne reste qu'un matériau, le marbre de la stèle. Etymologiquement, signe vient de sema, qui signifie pierre tombale. La stèle est donc le premier signe que l'homme a conçu. Ça montre bien qu’il y a une relation étroite entre la mort, l'image et la matière. La mort est ce qu'il y a de plus commun. Cette envie de toucher à cette dimension correspond à une sincère fascination pour l'abondance et la richesse des réponses plastiques apportées dans l'histoire de la représentation.

Les formes d'aujourd'hui apparaissent comme des ruines du futur, elles ont été précisément sélectionnées pour leur caractère emblématique. Le choix s’est arrêté sur des formes qui permettent justement des allers-retours entre une dimension anecdotique et une dimension archétypale. Les espaces artificiels comme la serre, la piscine ou le parc qui reconstituent un milieu naturel sont fascinants. Ce sont des espaces peu représentés et finalement peu visibles qui n'entrent pas dans le champ de la beauté, mais plus de la recherche, de l'industrie ou du loisir, alors qu'ils seront certainement représentatifs du mode de vie moderne. De manière générale nous avons sélectionné des formes qui intègrent en elles cette contradiction entre naturel et artificiel.
Dans le cas des piscines, nous avons cherché une vision absente de la représentation habituelle de cet objet de loisir, entre aménagement urbain et exotisme. Les piscines les plus fascinantes sont ces modèles d'exposition, ces prototypes exposés le long des autoroutes qui deviennent malgré eux des monolithes modernes. En revanche, dans le cas de Rational Park, un des éléments est composé de bois traité et normalisé destiné au mobilier urbain, il retrouve ici une forme archétypale de tas de bois.

Le travail s'articule au sein des œuvres autour du dialogue entre les environnements urbains, ruraux ou sauvages. La trame de cette exposition est une collection d'échantillons qui sont des substituts de matières, d'éléments et de phénomènes naturels. L'art a représenté la nature, l'industrie a reproduit la nature, et la technologie simule la nature. De la piscine au parpaing, la fabrication des objets et l'aménagement des espaces sont un gigantesque processus de transformation et de domestication du territoire. Ça implique que nos perceptions des formes et des lieux changent également.
Dans Cool day light, des matières plastiques liées aux espaces industriels modernes composent un environnement lumineux. Leur fonction utilitaire est de marquer des limites, des frontières discrètes entre des espaces intérieurs et extérieurs tout en laissant passer la lumière naturelle. Les éléments sont ici éclairés aux néons. C'est cette lumière artificielle qui donne son nom à la pièce puisque le titre « Cool day light » est le nom attribué dans le commerce à la lumière dite naturelle. Cela montre bien comment la citation d'Aristote « L'art est imitation de la nature » semble s'appliquer à l'ensemble des productions matérielles et même immatérielles comme la lumière.
L'hétérotopie foucaldienne qui réconcilie des dimensions de réalités différentes en un seul lieu se retrouve notamment dans Surface / Interface où un objet accueille un espace qui lui même contient les saisons et les cycles. La lumière devient un relief et inversement, dessinant une carte en trois dimensions inspirée des simulations numériques. Dans ce territoire virtuel le temps se déroule, les saisons passent à la fois lentement et en accéléré. Les images satellites de la Nasa utilisées dans cette pièce montrent comment l'imagerie informatique produit des nouvelles formes de représentations de la nature et du réel en général. Elles prennent le relais des formes anciennes qui cartographiaient nos territoires, comme les maquettes en trois dimensions qu'on peut encore trouver sur les belvédères. Cette structure en bois à l’entrée des parcs naturels, accueillant le dernier plan qu’on trouve sur la route qui mène à l’espace sauvage, ou ces bornes kilométriques en pierre qui balisent nos routes remplacées maintenant par des pixels sur l'écran du GPS, sont des formes où se joue la relation entre matière, image et espace.

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